L'article dans Libération du 17 novembre reconnait cependant qu'il s'agit là d' "Un compromis peu contraignant" qui ne remet pas en cause la domination américaine. Oui c'est le moins qu'on puisse reconnaître...

Les Etats-Unis conservent les clés qui, théoriquement, leur permettent de paralyser l'ensemble des connexions. Pas étonnant que David Gross, chef de la délégation américaine, ait lâché hier un soupir de soulagement : «Il n'y a rien de nouveau dans ce document.»

D'autant plus que ce Forum mis en place apparait bien comme un moyen pour "le reste du monde" de sauver la face au regard de BigBrother. En effet, on peut lire sur le site d'information du Gouvernement US :

Selon les dispositions de l'accord du 15 novembre, le Forum de gouvernance de l'internet n'aura aucune fonction de contrôle et ne remplacera pas les arrangements, les mécanismes, les institutions ni les organismes existants, mais tirera parti de leur savoir-faire. Il sera neutre et agira à titre consultatif. Il ne participera pas aux opérations courantes ou techniques de l'internet. (Internet : les É.-U. et 170 pays parviennent à un accord sur l'avenir de sa gestion. Cet accord ne prévoit pas de contrôle international.

Mais à travers le bras de fer (perdu) du "reste du monde" contre Rambo Gouverneur de l'Internet (et là démocrates et républicains font front commun - Les parlementaires américains s'engagent pour conserver la gouvernance de l'internet), ce sont les larmes de crocodile et les gérémiade de Kofi Annan plaidant pour que le forum puisse permettre de lutter contre la fracture numérique entre les pays riches et les PVD qui sont le plus triste...Comme l'explique Daniel Wermus (journaliste de InfoSud) :

Ce vaste chantier s'enlise aujourd'hui à Tunis. On n'a pas dégagé de projet mobilisateur -- par exemple, une bibliothèque universelle en ligne. L'appareil sécuritaire tunisien, traquant ses dissidents sur Internet, montre un autre visage de la société de l'information. Des dictatures bien plus dures, comme la Chine, maillent tous leurs citoyens dans les filets électroniques et font miroiter aux pays du Sud un développement qui ne s'encombre pas de démocratie. Et l'obsession antiterroriste des Etats-Unis peut aussi empoisonner la liberté des internautes. "La société de l'information - le meilleur ou le pire"

Comme le note aussi Patrick SABATIER dans son article "Moindre mal"...

Kofi Annan aurait dû commencer par s'appliquer à lui-même le principe qu'il a édicté hier à Tunis : «La société de l'information est impensable sans la liberté.» Il aurait de la sorte évité le ridicule de ce Sommet sur la société de l'information organisé dans un sultanat où les experts de l'ONU eux-mêmes constatent que la liberté d'information est une espèce disparue. "Moindre mal"

En tout état de cause on peut lire la conclusion (provisoire ?) de ce sommet du "Sud" dans Allafrica.com :

A la veille du sommet de 173 nations, il est devenu apparent, dans un bourbier de concessions mutuelles de dernière minute parmi des délégués harcelés, que le point de vue du Sud n'aurait aucune emprise. (...) Proposé comme "la solution", le Sommet mondial sur la société de l'Information est en train d'accentuer le problème : l'impasse politique Nord-Sud dans la réduction de la fracture numérique Nord-Sud. (SMSI : un consensus controversé maintient le statu-quo de l'internet)

Notant au passage :

Un grand nombre de sociétés sont venues pour étaler les nouveautés en matière de technologie de l'information et de la communication. Plus de 300"événements parallèles" et de tables rondes sont en train de se tenir, et des partenariats entre entreprises privées et communautés locales pour rendre l'accès à l'Internet moins cher et plus disponible en Asie, en Afrique et en Amérique du sud sont en train d'être mis en vitrine. (...) Yoshio Utsumi, directeur général de l'Union internationale des télécommunications et secrétaire général du Sommet, fait pression en faveur d'un projet d'un milliard de dollars, dénommé 'Connecter le monde pour permettre à 800.000 villages d'accéder à l'Internet'.

C'est peut-être là la vérité première du sommet : moins la question de l'organisation de la gouvernance d'Internet que celle d'organiser le commerce international sur Internet avec les PVD...histoire de réalimenter la dette...et de la faire payer par l'ONU...Histoire que l'argent public finance les apétits capitalistiques des Géants de l'Internet. En effet, comme le note bien le journal l'Expansion :

De grands groupes américains, comme Google, IBM ou Microsoft soutiennent eux aussi leur gouvernement. «L'une de nos plus grandes inquiétudes est que des politiques qui n'ont rien à voir avec l'Icann viennent interférer dans la façon dont l'internet sera géré», expliquait récemment à CNET News.com Rick Lane, l'un des vice-présidents du groupe de médias News Corp. Ces sociétés craignent en particulier que de nouvelles taxes leur soient imposées si les Etats-Unis perdent leur mainmise dans la gouvernance de l'internet. La gouvernance de l'internet au coeur de négociations cruciales avant le Sommet de Tunis