Difficile de résumer ce qui a pu être dit par ceux qui ont pu participer à ce débat. Mais un rapport honnête de tout cela a été fait par le Forum des droits sur l'internet mettant bien en évidence les nombreuses questions que le projet soulève du point de vue de la protection des droits des citoyens. Je vous invite à le télécharger et à le lire pour mieux cerner les enjeux sociétaux de cette numérisation de notre identité. On pourra suspecter encore ceux qui se posent trop de questions d'être des obscurantistes qui ne comprennent pas le progrès, les assimiler à ces indiens qui avaient peur qu'on prenne leur âme en les prenant en photos (ce point mériterait d'être creusé pour aussi comprendre "la pensée sauvage" à la manière de Claude Levi-Strauss ...). Mais bon...l'argument pour vendre la Carte d'Identité Numérique (je dis bien vendre car non seulement elle serait payante mais aussi obligatoire - sinon le marché ne serait pas économiquement intéressant et les objectifs recherché de centralisation des identités innateignable...) est qu'il s'agit de lutter contre "la fraude à l'identité". Alors bien sûr dans notre ambiance pesante de recherche de la sécurité à tout prix (c'est ainsi que les régimes les plus nauséabond peuvent s'imposer à nous malgrés les "odeurs"), l'argument porte et donne un poids favorable à cette carte numérisée.
Il convient cependant de voir l'envers du décor lié aux formes dans lesquelles le projet se développe concrétement :
  • les promoteurs du projet ont un peu de mal à donner de la consistance statistique à l'argument de la fraude à l'identité. Qu'y a-t-il exactement derrière les mots ? on ne sait pas trop. Bref sans doute des mots pour faire peur. Pierre ! Attention au loup...
  • un fichier central rassemblant les identités, oui c'est commode. Mais peut-on aujourd'hui faire confiance à l'Etat totalement et toujours ? Demain...? et puis les fichiers centraux sont tentants pour les hackers : çà c'est aujourd'hui et tous les jours et de plus en plus. Bref la sécurité (informatique) çà n'existe pas et mettre en place un fichier central c'est augmenter justement le risque d'insécurité. Entre vouloir et pouvoir, l'écart est souvent considérable. L'enfer est pavé de bonnes intentions (apparentes).
  • une carte qui permettrait de lire les informations contenues sans contact. Oui c'est moderne, oui c'est économique (la carte s'use vite et comme c'est payant autant la garder le plus longtemps possible...), oui c'est pratique : pas besoin à la limite de la sortir...Ah justement c'est un peu trop pratique - je passe par là, il y avait un gendarme-lecteur de carte discret que je n'avais pas vu, moi le système central m'a vu passer. Plus la peine de toucher, de laisser des empreintes... Bon on nous dit qu'avec le GSM, la carte bleu nous sommes déjà traçés. Oui bien sûr, mais là c'est l'Etat. Big Brother is watching you.
  • la vérité du système pourrait être atteinte dans le constat que cette carte pourrait contenir à notre insu, ce qui marque notre identité biologique au plus profond : notre code génétique individuel. Ce dernier point nous conduit tout droit au rapport lâche qui existe entre notre identité biologique et notre identité sociale : notre identité individuelle est davantage marquée par notre capacité à jouer des rôles multiples dans nos relations à nos semblables - c'est bien ce qui fonde paradoxalement notre alterité - qu'à nous conformer à exprimer un code ou un numéro. Pour vivre et être nous même nous avons besoin de jouer avec notre identité. La carte d'identité numérique obligatoire pour chacun contenant la définitin biométrique de notre individualité est une opération d'enfermement (tiens relisons Michel Foucault sur le trend de nos sociétés modernes) : la prison. Décidément je préfère les coupeurs de tête d'Amazonie qui savaient faire jouer toute une série de rôle à la tête coupée pour construire et reproduire les liens sociaux dans toute leur diversité utiles et nécessaires à une vie sociale saine. Triste t(sans r)opique d'INES.
Bref les questions ne manquent pas. Le projet avance. Que fera le gouvernement de ces réflexions et questions tant cette demande de conserver les fondamentaux de la déclinaison nationale de notre identité contredit le sens profond de cette révolution numérique (pas tant technologique que juridique) du fichage des identités de l'ensemble des citoyens ?

* INES : voir la fiche ADAE